À Madagascar, « Tolérance zéro pour la corruption », c’est l’objectif affiché par l’exécutif. Mais, d’après les organes chargés d’évaluer les acquis de la lutte anticorruption, les résultats restent peu probants. Pire, certaines lois punitives ratifiées, il y a quelques années, sont en train d’être détricotées, quand d’autres, très attendues, tardent à être votées. Mercredi encore, le CSI, le Comité de sauvegarde de l’intégrité, acteur majeur de cette lutte, a alerté sur ces pratiques contraires aux engagements du gouvernement.
Les prochains mois seront cruciaux pour la lutte anticorruption dans le pays tant les chantiers en cours peuvent renforcer ou au contraire affaiblir les mécanismes de lutte existants. D’abord, il y a la loi sur les PAC, les Pôles anti-corruption (juridictions spéciales chargées de la répression), adoptée en 2016, qui vient de subir des modifications majeures à l’Assemblée nationale pour notamment limiter leurs compétences et leur indépendance.
Pour Sahondra Rabenarivo, la présidente du Comité de sauvegarde de l’intégrité, il y a danger. Elle appelle le Sénat à rejeter cette proposition de loi. « Nous pensons qu’il y a une menace sur le système anticorruption, et notamment les PAC, qui est contraire aux engagements, aux promesses électorales, à la politique générale de l’État. C’est clair que ça vient de personnes qui se sentent gênées par le dispositif actuel, ou bien de personnes qui ne le comprennent pas, ou qui ne peuvent pas manipuler le système à leur avantage. Il y a des gens qui sont habitués à dire à un magistrat ‘’mets celui-ci en prison’’ et c’est gênant quand le magistrat peut dire ‘’non’’ et est protégé par un système. »
« Plus de financements sans condition »
2021 devrait aussi sonner la fin de la période des fonds Covid. Et permettre, selon Sahondra Rabenarivo, plus de transparence. « Il n’y aura plus de financements sans condition. C’est terminé. Donc à partir de maintenant, il va falloir répondre aux conditions des bailleurs. Les financements des bailleurs, ce sont les impôts des citoyens de ces pays-là. Ils ont le droit de demander : ‘’si je donne 1 dollar à Madagascar, est-ce que 85 cents iront dans la poche du ministre ?’’. Ils ont le droit de demander des comptes. Donc c’est la fin de la récréation. Et c’est aussi fermer les robinets, c’est-à-dire en identifiant les possibilités de corruption, à quelle étape l’argent peut-il être détourné. Et fermer ensuite ces robinets-là. Il faut inciter et sanctionner -ce que nous ne voyons pas assez- à l’intérieur des ministères. Ce que nous visons, ce sont des réformes pérennes qui feront que c’est impossible de détourner les fonds publics. Que ce soit dans un contexte « Covid » ou autre. »
Le CSI préconise de renforcer la protection des lanceurs d’alerte et la sensibilisation des citoyens, acteurs clés pour asseoir une meilleure gouvernance.
Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud
Source : Rfi