Les sénateurs ont adopté la proposition de loi concernant les Pôles anti-corruption, hier. Ils y ont, néanmoins, apporté quelques modifications.
Adjugé. Après trois reports, les sénateurs ont procédé au vote de la proposition de loi modifiant la loi relative aux Pôles anti-corruption (PAC), hier. À l’unanimité, ils ont adopté avec des amendements le texte initié par le député Keron Idealson, élu à Ampanihy.
Le scénario au Sénat a quelque peu intrigué. La proposition de loi de l’élu d’Ampanihy n’a pas été retouchée durant les travaux de commission. Le président de la commission juridique du Sénat a même souligné à l’entame des débats que le texte présenté en séance plénière a été maintenu en l’état. Les amendements apportés à la loi Idealson ont, toutefois, été ajoutés durant la séance plénière.
Il a donc fallu valider le texte article par article. À chaque fois, Herilaza Imbiky, a lu les amendements apportés par la Chambre haute. Le député Idealson qui a pris part aux débats par visioconférence n’a fait aucune objection à ces modifications. Un des amendements semble, pourtant, aller à l’encontre de ce qu’il propose. Le texte initié par le député d’Ampanihy veut « exclure les infractions économiques et financières de la compétence des PAC quelle que soit leur gravité ou leur complexité ».
L’amendement apporté par les sénateurs, dispose que les infractions économiques et financières « connexes », aux faits de corruption et assimilées ainsi que le blanchiment de capitaux et financement du terrorisme, sont de la compétence des PAC. Durant un échange en aparté avec des sénateurs, l’un d’eux a parlé de « simples », infractions économiques et financières qui relèvent des juridictions de droit commun.
Ménager les sensibilités
Seulement, l’amendement apporté par la Chambre haute ne précise pas quels sont les délits financiers qui relèvent de la compétence des PAC et quels sont ceux qui seront pris en main par les juridictions de droit commun. Dans la liste des retouches qu’ils ont faites dans la proposition de loi du député Idealson, les sénateurs ont juste inscrit qu’en cas de conflit de compétence, il reviendra à la Cour suprême de trancher quelle est la juridiction compétente.
Les acteurs du Système anti-corruption (SAC) ont, pourtant, toujours martelé que « les infractions économiques sont les éléments matériels qui couvent les faits de corruption. Si on dissocie ces deux volets du délit, il serait quasiment impossible de poursuivre les actes de corruption, sauf cas de flagrant délit, surtout pour les grandes corruptions ».
La version de la proposition de loi sur les PAC adoptée par l’institution d’Anosy, hier, maintient, par ailleurs, « la confiscation avant condamnation », des biens mal acquis. La version soutenue par l’élu d’Ampanihy supprimer ce principe. L’amendement porté par les sénateurs atténue juste les intentions du député Idealson, mais limite toujours la marge de manœuvre des PAC sur ce sujet.
L’argument mis en avant pour maintenir la confiscation avant-condamnation est l’harmonisation avec l’ordonnance relative au recouvrement des avoirs illicites, mise en vigueur en 2019, notamment. Ce texte défini les avoirs illicites comme étant « les biens et avantages patrimoniaux de toute nature tirés des détournements de biens et de deniers publics, d’infractions de corruption, de blanchiment de capitaux et/ou de financement du terrorisme ».
Une harmonisation avec l’article 59 de la loi sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. À s’en tenir aux explications d’hier, la confiscation avant-jugement ne s’appliquera donc plus, entre autres, « qu’aux auteurs des faits ayant généré les produits illicites qui ne peuvent pas être poursuis soit parce qu’ils sont inconnus, soit parce que l’auteur est décédé ». La réduction du mandat des membres du PAC à trois ans, renouvelable une fois, du reste, maintenue en l’état.
La Chambre haute défend que les amendements qu’elle a apportés, hier, font que la proposition de loi du député Idealson soit en conformité avec les engagements de l’État vis-à-vis des instances et de ses partenaires internationaux. En marge d’un événement à Ankorondrano, hier, Sahondra Rabenarivo, présidente du Conseil supérieur de l’intégrité (CSI), a exprimé le souhait que le texte adopté par le Sénat « réponde aux aspirations de tous ».
Les sénateurs, de prime abord, ont essayé de ménager toutes les sensibilités et intérêts. Une des clauses de l’accord avec le Fonds monétaire internationale (FMI), sur la Facilité élargie de crédit (FEC), souligne que l’État s’engage à ne pas remettre en cause « la compétence et le mandat », des PAC. La Chambre haute a tranché sur sa version de la proposition de loi. Le texte sera à nouveau pris en main par l’Assemblée nationale pour une nouvelle lecture.
Gary Fabrice Ranaivoson
Source : L’express de Madagascar