Sahondra Rabenarivo, Présidente du Comité pour la Sauvegarde de l’Intégrité (CSI), une institution qui coordonne le système anti-corruption, nous a livré un tour d’horizon de la lutte contre la corruption en générale et le projet de modification de la loi régissant le Pôle Anti-Corruption (PAC) en particulier. Interview.
Midi : Vous avez récemment participé à la Session Spéciale de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur la lutte contre la corruption ou UNGASS, pouvez-vous nous parler des points forts de cet événement et de la déclaration politique qui y a été adoptée ?
Sahondra Rabenarivo (S.R) : La session spéciale était organisée pour célébrer les 15 ans de ratification mondiale de la Convention des Nations-Unies contre la Corruption, convention avec une adhésion quasi-universelle, car ratifiée et donc intégrée dans la législation de 187 pays sur 193. Ce traité international qu’est la Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC) a autorité supérieure à la loi à Madagascar. Il s’agissait d’une part, de réitérer les engagements des uns et des autres (notamment sur la criminalisation, la prévention et la répression de la corruption) mais aussi, d’autre part, de tracer les perspectives des années à venir (avec, notamment, un accent sur le renforcement de la coopération internationale en matière de flux financiers illicites et de recouvrement des avoirs). Il est aussi important de noter une volonté de faire converger la lutte contre la corruption et le Programme 2030 des Nations-Unies, c’est-à-dire tourner l’attention sur comment la corruption freine l’atteinte des objectifs de développement durable et enfreint aux droits humains comme l’accès à l’éducation ou la santé, à une justice équitable ou à l’égalité des genres.
Midi : Quels sont les impacts de la déclaration politique sur la lutte contre la corruption à Madagascar ?
S.R : La participation de Madagascar à la session spéciale nous a permis d’adhérer pleinement à la déclaration politique, longue de 16 pages et 86 articles, difficile à résumer ici mais consultable sur notre site web ainsi que celui des Nations-Unies. Cette déclaration est le fruit de plus d’un an de négociations, piloté par les Emirats Arabes Unis et Colombie, avec la participation de beaucoup de pays en voie de développement, qui veulent entre autres, par le multilatéralisme, lutter efficacement contre un fléau qui nous appauvrit et qui est injuste pour la masse de la population. Il faut aussi reconnaître que la lutte contre la corruption comprend aujourd’hui une dimension internationale importante avec l’évasion des gains illicites à l’extérieur. Regardez tout juste le cas des 73 kg d’or.
Midi : Actuellement, on parle beaucoup de la Loi Pac qui va passer au Sénat d’ici quelques jours. Par rapport aux autres pays du monde, ou se situe Madagascar dans la solidité de son Système anti-corruption ?
S.R : Il est important de noter que c’est le Président Andry Rajoelina qui a fermé la parenthèse du dispositif institutionnel et législatif prévu par la CNUCC. En promulguant en 2019 la loi anti-blanchiment et l’ordonnance sur le recouvrement des avoirs illicites, il a fait que Madagascar a franchi le dernier pas. Ce serait incohérent et aller dans le sens inverse que de changer maintenant la loi PAC de manière à réduire ses compétences ou son indépendance.
Midi : Quels sont les chantiers en cours actuellement au sein du système anti-corruption (SAC) et quelles sont ses perspectives d’avenir ?
S.R : Notre système anti-corruption ne sera performant que s’il est soudé, cohérent et fait un travail d’équipe car la CNUCC maintenant voit très large, il n’y a pas qu’investigation, poursuite et sanction ; il y maintenant prévention, flux financiers, avoirs illicites, objectifs ODD, droits humains, même un nouvel axe avec la corruption dans le sport. Ce n’est qu’un SAC soudé, avec l’aide de toutes les institutions de l’Etat, qui permettront que Madagascar mette en œuvre la vision de la CNUCC.
Propos recueillis par D.R
Source : Midi Madagasikara