Dans le présent rapport public, la Cour des Comptes émet une sélection d’observations tirées des travaux d’instruction qu’elle et les Tribunaux financiers ont effectués. Ce rapport appelle l’attention des pouvoirs publics et de l’opinion publique sur ses regards critiques envers la gestion des finances publiques, et ce, dans le but d’amélioration.
Ce rapport s’inscrit donc dans la logique d’informer les pouvoirs publics et le citoyen sur la gestion des deniers publics. En effet, le Chef de l’Exécutif, pour exercer le pouvoir de contrôle général qu’il tient de la Constitution, doit être tenu informé du bon fonctionnement des services publics et de la bonne gestion des finances publiques. Ainsi, « la Cour des Comptes adresse au Président de la République et présente au Parlement un rapport annuel dans lequel elle expose ses observations et dégage les recommandations qui peuvent en être tirées. Le rapport public de la Cour des Comptes porte à la fois sur les services, organismes et entreprises directement contrôlés par elle et sur les collectivités territoriales, établissements, sociétés, groupements et organismes qui relèvent de la compétence des Tribunaux financiers », aux termes des articles 424 et 425 du chapitre 6 intitulé « Du Rapport Public » de la Loi Organique n°2004-036 du 1er octobre 2004 relative à l’organisation, aux attributions, au fonctionnement et à la procédure applicable devant la Cour suprême et les trois Cours la composant.
Le Parlement, lui, est en droit de demander à la Cour des Comptes de présenter des rapports sur tels ou tels domaines de la gestion des finances publiques, afin d’obtenir un éclairage particulier sur les causes, les conséquences, les mesures à prendre concernant un point donné de l’exécution de la loi de finances, sur les risques et imprévus auxquels pourrait s’exposer le secteur public en adoptant une politique donnée.
Quant au citoyen, sa capacité à contrôler les activités des décideurs et à amener ces derniers à rendre des comptes est souvent assez limitée, tant la culture de redevabilité et du contrôle n’est pas encore ancrée dans la société malagasy. Or, l’article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 dispose que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».
Aussi, toutes les institutions de contrôle sont-elles interpellées afin de mieux garantir la transparence, la reddition de compte et la bonne gouvernance. En effet, la nécessité d’un contrôle rigoureux des recettes et des dépenses de l’Etat s’impose de plus en plus afin que les contribuables sachent comment sont gérés les fonds dont ils sont les premiers pourvoyeurs, et pour refléter l’image de la gouvernance du pays aux yeux des partenaires techniques et financiers. Face à ce contexte et aux attentes de la société, le présent rapport a pour vocation d’aider l’opinion publique à évaluer si la sécurité et la transparence des finances publiques sont assurées, si l’exécution de la loi de finances a été réalisée selon les règles de l’art.
Les observations et les recommandations sont à prendre dans une optique d’amélioration, d’une contribution à la bonne gestion des deniers publics, en vue de la promotion de la transparence, l’efficacité et la responsabilité dans l’objectif du respect de la démocratie et de l’instauration de l’Etat de droit.
Aux termes de la Déclaration de Lima sur les lignes directrices du contrôle des finances publiques en 1977, « le contrôle des finances publiques n’est pas une fin en soi mais il est un élément indispensable d’un système régulatoire qui a pour but de signaler en temps utile les écarts par rapport à la norme ou les atteintes aux principes de la conformité aux lois, de l’efficience, de l’efficacité et de l’économie de la gestion financière de manière à ce que l’on puisse, dans chaque cas, prendre des mesures correctives, préciser la responsabilité des parties en cause, obtenir réparation ou prendre des mesures pour empêcher, ou du moins rendre plus difficile, la perpétration d’actes de cette nature. »
L’année 2015 est jugée opportune pour ce rapport étant donné que le pays vient de sortir d’une période de crise au cours de laquelle l’émission de recommandations pour une bonne gouvernance, particulièrement une bonne gestion des finances publiques, se trouvait confrontée à des difficultés d’ordres structurel et culturel.
A partir des années 2004, le budget de programme s’est substitué au budget de moyens. Il implique une plus large latitude aux acteurs du budget. Faut-il alors rappeler que le contrôle est la contrepartie de l’autonomie de gestion. La question de contrôle, sous toutes ses formes, est donc au cœur de ce rapport.
Les six Tribunaux financiers ont été créés dans chaque chef-lieu des ex- provinces en 2004 tandis que la Chambre des comptes a été érigée en Cour des Comptes en 2008. Depuis, des contrôles juridictionnels des comptes des comptables publics, des contrôles de la gestion, surtout des communes, des contrôles thématiques, particulièrement de la dette publique et des marchés publics, ont été effectués.
Toutefois, il est à signaler que les comptables publics ont été dispensés de produire leurs comptes antérieurs à 2001 aux fins de contrôle des juridictions financières, conformément aux lois de finances successives. De fait, il a fallu restaurer une culture de reddition des comptes et de contrôle dans le monde de la gestion des finances publiques. Des travaux de concertation ont été effectués par la Cour et le Ministère chargé des Finances et du Budget au sein d’une cellule dénommée Cellule Technique chargée de l’Arrêté des Comptes Publics (CTACP) pour aboutir à une production de comptes régulière, premièrement en conformité avec le délai règlementaire, et deuxièmement selon les exigences du principe de sincérité, fer de lance pour une meilleure connaissance de la situation réelle des finances publiques.
En 2012, la Cour a sorti son Plan Stratégique, avec la collaboration d’institutions internationales œuvrant pour le renforcement des capacités des Institutions Supérieures de Contrôle, notamment l’Initiative pour le Développement de l’INTOSAI (IDI).
Des ateliers régionaux et national ont eu lieu avec les principaux acteurs des finances publiques locales et nationales en 2014. En outre, les rapports sur les Projets de Lois de Règlement portant sur les exercices allant de 2007 à 2011 ont été établis.
De tous ces chantiers, la Juridiction financière a extrait des rapports suivis de recommandations et, pour le respect du principe contradictoire, des réponses éventuelles de la structure contrôlée.
Ainsi, conformément aux articles 426 et 427 de la loi organique sur la Cour Suprême selon lesquels « la Cour des Comptes informe les autorités intéressées » de son rapport public « […] auquel sont jointes les réponses des Ministres et des représentants des Provinces Autonomes, des Collectivités territoriales, des Etablissements, Sociétés, Groupements et Organismes intéressés »[…], un rapport provisoire1 dont des extraits ont été communiqués aux Ministres ou Responsables concernés2 a été établi. A l’expiration du délai légal de deux mois imparti, trois réponses3sur les sept attendues ont été reçues lesquelles ont fait l’objet d’une étude et d’une insertion intégrale dans le rapport public qui revêt un caractère définitif.
Le présent rapport comporte deux parties, à savoir :
- une première partie consacrée aux observations sur les juridictions financières mettant en exergue leur cadre juridique, leurs missions et attributions, leur organisation, leurs activités ainsi que les moyens mis à leur disposition. Il en découlera les enjeux du contrôle ainsi que son fondement ;
- une deuxième partie sera consacrée aux observations et recommandations tirées de contrôles, enquêtes et évaluations réalisés jusqu’en 2014.