La République de Madagascar a ratifié, en 2003, la Convention des Nations Unies contre la corruption et la convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, et a adhéré au Protocole anti-corruption de la SADC.
Elle s’est dotée à cette époque d’un arsenal juridique important, comportant la Loi n° 2004-030 sur la lutte contre la corruption, la Loi n° 2004-020 sur le blanchiment, le dépistage, la confiscation et la coopération internationale en matière de produits du crime et a créé des entités spécifiques telles que le BIANCO acteur d’investigations dans la lutte contre la corruption, le CSI pour le développement du SNI (Système National d’Intégrité) et le SAMIFIN service de renseignement financier.
La CPAC, chaîne pénale anti-corruption, devenue CPEAC
« économique » et anti-corruption, a également été créée dans la même période, par circulaire interministérielle en date du 2 juillet 2004. Initialement basée sur le ressort de la Cour d’appel d’Antananarivo, les CPEAC ont été installées dans les 6 Chefs -lieux de province.
Depuis cette époque, Madagascar a modernisé son arsenal légal en la matière, notamment avec des lois telles que la Loi n°2014-005 contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée.
Les enjeux importants relatifs à la lutte contre la corruption et infractions assimilées, le blanchiment du produit du crime, le financement du terrorisme et les infractions économiques et financières complexes et graves, pouvant impliquer des mécanismes transnationaux, nécessitent désormais la modernisation du dispositif de lutte contre la corruption à Madagascar, conformément à ce qui est développé dans la Stratégie Nationale de lutte contre la Corruption (SNLCC) 2015- 2025 adoptée le 21 septembre 2015.
L’élaboration de la Nouvelle Stratégie Nationale de Lutte Contre la Corruption (SNLCC) pour la période de 2015 à 2025 a pour ambition de renforcer le dispositif en vigueur, afin de libérer le développement de Madagascar de l’emprise de la corruption, face à un indice de perception de la corruption qui demeure très préoccupant. Elle encourage tous les acteurs à travailler ensemble au service de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit, en vue de l’atteinte effective des objectifs.
Issue d’un processus ouvert de consultations au travers d’ateliers régionaux et nationaux, la SNLCC prévoit un certain nombre de réformes en vue du renforcement du cadre institutionnel et législatif de l’ensemble du système de lutte contre la corruption à Madagascar.
Dans ce but, le Comité de Réformes pour la mise en œuvre de la SNLCC a été instauré par Arrêté n°4618/2016 avec pour objectif l’élaboration de trois textes :
– la loi portant création des Pôles Anti-Corruption (PAC) ;
– la loi modifiant la Loi sur la lutte contre la corruption ;
– la loi sur le recouvrement des avoirs.
Les deux premiers de ces textes ont été finalisés en vue de leur présentation à la première session parlementaire 2016, tandis que le troisième texte est envisagé pour la seconde session.
Ainsi, la présente loi a pour objectif de créer, au sein du système judiciaire pénal, des juridictions spécialisées dénommées « Pôles Anti-Corruption
» en abrégé PAC, afin qu’elles se substituent aux Chaines pénales anti-corruption, dont le déficit de cadre juridique, simplement régi par une circulaire interministérielle depuis 2004, posait des difficultés sur le plan juridictionnel et administratif. Au demeurant, l’insuffisante efficacité des actuelles Chaînes pénales anti-corruption nécessite une approche différente de la lutte contre la corruption, permettant une implication coordonnée de l’ensemble des acteurs de lutte contre la corruption, et associant la société civile.
La présente loi est composée de titres, chapitres et articles afin d’en faciliter la lecture et la compréhension par le public. Il mentionne les dispositions générales qui fixent la composition, les compétences, l’organisation ainsi que l’indépendance et la coordination des PAC.
La présente loi a pour objet de créer des juridictions spécialisées dénommées « Pôles Anti-Corruption » en abrégé PAC:
Le Titre I mentionne les dispositions générales : il est à noter particulièrement que six PAC sont envisagées, de manière progressive, à raison d’un PAC par Chef-lieu de Province.
La possibilité pour les organisations de la société civile ouvrant pour la lutte contre la corruption d’être à l’origine d’une plainte ou dénonciation a été consacrée, afin d’associer davantage les citoyens à cette lutte.
Le Titre II spécifie la composition de la juridiction du PAC ; il ne s’agit pas d’une juridiction spéciale, mais d’une juridiction spécialisée afin de renforcer la répression de la corruption, du blanchiment, et des infractions économiques et financières de Madagascar.
Le PAC comporte un premier degré et la juridiction de second degré en son sein, pour garantir la spécialisation jusqu’en appel.
L’innovation de l’instauration de la Chambre de la saisie et confiscation des avoirs a pour objectif d’assurer désormais la traçabilité et la cohérence de la saisie et du recouvrement des avoirs, par l’existence d’une juridiction collégiale ayant compétence exclusive pour tout ce qui concerne la saisie pénale et ses incidents de procédure. Ce dispositif sera encore complété et renforcé avec la future Loi sur le recouvrement des avoirs.
Le Titre III détermine la compétence territoriale et la compétence matérielle du PAC.
Toutes les infractions de corruption et de blanchiment sont de la compétence du PAC, qu’elles soient de « petite » ou de « grande » envergure. En effet, il a été considéré que la petite corruption, en particulier lorsqu’elle est répétée, engendrait un trouble à l’ordre public aussi grave que la grande corruption.
Le PAC est également compétent pour un large panel d’infractions économiques et financières, listées dans la loi, dès lors qu’elles répondent aux critères de gravité et /ou de complexité de l’affaire, selon des indicateurs précisés dans la loi également.
Il est ainsi notamment tenu compte de l’importance de l’enjeu financier, de la multiplicité des auteurs, ou de leur qualité, du caractère transnational des éléments constitutifs de l’infraction, etc.
Le Titre IV fixe l’organisation et le fonctionnement du PAC. Ce même titre précise le mode de recrutement des magistrats, des greffiers et des assistants spécialisés du Pôle, formés spécialement et recrutés selon des modalités propres intégrant notamment une enquête de moralité spécifique afin de garantir l’intégrité des membres des PAC.
Une innovation majeure de la loi est la participation, pour la sélection des magistrats nommés dans les PAC, des entités de lutte contre la corruption, aux côtés du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Le Titre V garantit l’indépendance du PAC à travers un rattachement fonctionnel mixte : rattachement à l’institution judiciaire s’agissant du volet juridictionnel et auprès d’un Comité de Suivi et d’Évaluation pluri institutionnel, comportant toutes les entités de lutte contre la corruption, pour le suivi et l’évaluation de l’activité des PAC.
Un budget spécifique, autonome, est créé pour assurer le bon fonctionnement des PAC, géré par le Coordonnateur National et la Direction de Coordination Nationale des PAC.
Par ailleurs, la protection renforcée des magistrats des PAC, outre leur protection statutaire, a été instaurée avec un mandat de 4 ans renouvelable, permettant d’asseoir la pérennité des magistrats spécialisés des PAC, en vue d’une stabilité et d’une indépendance renforcées de ces juridictions « sensibles ».
Le Titre VI traite de la coordination des actions des PAC comme l’élaboration et l’exécution du budget du PAC, le soutien, le recrutement et la centralisation des données, sous la supervision du Comité de suivi et d’évaluation des PAC.
L’innovation essentielle est ici de dépasser les difficultés observées au cours de l’expérience des Chaines pénales anti-corruption, dont les taux de condamnation pour corruption ou blanchiment furent faibles.
En effet, des avantages importants peuvent découler de la multiplicité́ institutionnelle : Madagascar possède une gamme satisfaisante d’outils anticorruption, mais la corruption continue de saper la croissance économique et la confiance du public dans les institutions du pays. Alors que les entités chargées de la surveillance et des enquêtes sur les infractions liées à la corruption ontjoué́ un rôle de plus en plus actif dans la dernière décennie, des carences structurelles et procédurales fondamentales dans le système de répression ont porté atteinte à l’ensemble du système de responsabilisation. La multiplicité́ institutionnelle doit favoriser la concurrence, la compensation, la collaboration et la complémentarité́ dans la surveillance et les enquêtes, améliorant les performances globales du système : c’est l’objectif visé par l’insertion de toutes les structures de lutte contre la corruption Ministère de la Justice, BIANCO, SAMIFIN, CSI, désormais associées avec le Coordonnateur National dans la coordination, le suivi et l’évaluation des PAC.
L’ajout d’un représentant des organisations de la société civile anti- corruption parachève cet objectif de transparence et de complémentarité, inscrivant le citoyen dans une lutte dont il se sent actuellement très éloigné bien qu’intéressé au premier Chef.
Le Titre VII mentionne des mesures transitoires entre les PAC et la Chaîne-pénale anti-corruption, en vue d’une reprise intégrale et progressive des procédures de corruption et de blanchiment par les PAC, outre la reprise des dossiers économiques et financiers visés par la loi.